
Agence française anticorruption : Publication d'un nouveau guide pratique destiné aux établissements publics de santé
L’agence française anticorruption vient de publier un nouveau guide pratique à l’attention des EPS destiné à mettre en place ou mettre à jour un dispositif anticorruption. Ce guide sectoriel vise à assister les EPS pour la mise en place de dispositifs efficaces dans la perspective de prévenir les risques d’atteintes à la probité. Ce nouveau guide pratique offre d’une part un soutien méthodologique aux EPS pour l’élaboration de leurs dispositifs anticorruption et d’autre part, un panel de cas pratiques qui présente des situations susceptibles de conduire à des infractions d’atteinte à la probité.
Tout en procédant à un rappel des risques spécifiques d’atteintes à la probité englobant six infractions (la corruption, le trafic d’influence, le détournement de fonds publics, la prise illégale d’intérêts, l’octroi d’avantage injustifié et la concussion) auxquels les EPS sont exposés, ce guide a vocation à sensibiliser les professionnels de santé quant aux risques liés à leurs pratiques et à leurs interactions avec les parties prenantes.
Ce guide vient compléter les dispositions de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » en vertu de laquelle les EPS, en qualité d’établissements publics, sont tenus de mettre en place un dispositif anticorruption d’une part, et les recommandations de l’AFA destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme, publiées au JORF du 12 janvier 2021, d'autre part.
1. Structure du guide
Le guide énonce clairement que le dispositif anticorruption d’un EPS doit être construit de manière proportionnée et ce, au regard des risques inhérents à chaque établissement.
L’agence française anticorruption met également en exergue l’importance pour les EPS de s’assurer que les entités qu’ils contrôlent de manière effective et qui relèvent de leur champ d’action, tels une filiale de CHU au titre de l’article 177 de la loi n°2015-990 du 5 août 2015 ou encore les groupements de coopération sanitaire, disposent eux-aussi d’un dispositif anticorruption robuste et efficace.
S’agissant des groupements hospitaliers de territoire, l’agence française anticorruption précise que les établissements les composant peuvent opter pour développer un programme anticorruption commun à l’ensemble de ses établissements. Si l’agence indique qu’une mutualisation des outils et organes structurant le programme de compliance est possible au sein des groupements hospitaliers de territoire, il convient impérativement que l’instruction des alertes et de ses suites soient traitées par l’établissement directement concerné et ce, en vertu du décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif les procédures de recueil et de traitements des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi.
Le guide apporte également des précisions quant à la méthodologie pour une mise en place effective des trois piliers de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016.
S’agissant du pilier I, portant sur l’engagement de l’instance dirigeante, le guide met en exergue le rôle central du directeur de l’établissement qui a pour mission de définir une stratégie globale et proportionnée de mise en place d’un dispositif anticorruption. Le guide rappelle que la mise en place d’un tel dispositif suppose par ailleurs la mise en place de moyens de contrôle permettant de garantir son efficacité, notamment au moyen d’un comité de pilotage.
Il ressort du guide que l’agence française anticorruption incite le directeur d’établissement à intégrer les directions fonctionnelles, telles notamment la direction chargée de la qualité, la direction des risques, la direction financière ou encore la direction des achats, pour la mise en place d’un dispositif anticorruption efficace. Une telle intégration permet d’élaborer une politique anticorruption globale ayant pour effet de maximiser la réussite de déploiement d’un programme anticorruption efficace.
De manière générique, le guide rappelle bien entendu que l’organe de direction doit s'engager publiquement en faveur de la probité et mobiliser les ressources humaines et financières adaptées. L’instance dirigeante doit promouvoir une culture de la probité en adoptant des techniques de communication claires instituant une tolérance zéro pour les atteintes à la probité et une sensibilisation à tous les niveaux de l’établissement. En outre, l’organe de direction doit élaborer des sanctions appropriées dans l’hypothèse où une atteinte à la probité se serait produite.
S’agissant du pilier II, ayant trait à la cartographie des risques, le guide rappelle qu’il convient de procéder à l’identification des risques en procédant à une analyser approfondis des processus et du mode de fonctionnement de l’établissement notamment ceux portant sur la commande publique, les équipements, les dispositifs médicaux, les achats, les relations avec les tiers.
L’agence française anticorruption recommande de procéder à l’élaboration d’une matrice de responsabilités permettant de formaliser les responsabilités de chacune des parties prenantes. Le guide retrace par ailleurs les bonnes pratiques existantes pour le pilotage d’une cartographie des risques d’atteinte à la probité.
Si l’agence anticorruption indique que les EPS, peuvent procéder à leur analyse de risques progressivement, et ce, eu égard au nombre élevé de processus mis en œuvre dans les établissements hospitaliers pour leur bon fonctionnement, les EPS doivent toutefois procéder à l’analyse des risques des processus les plus exposés aux risques de manière prioritaire. L’agence française anticorruption établit une liste des activités les plus à risques qui comprend :
- La commande publique et les concessions ;
- La gestion des ressources humaines ;
- La gestion des activités accessoires (relations avec les entreprises produisant les produits de santé et les dispositifs médicaux) ;
- La gestion des organismes satellites des établissements ;
- L’activité libérale ou accessoire pour l’ensemble des corps de métier ;
- L’organisation du recours à des opérateurs privés non financés par l’hôpital (ambulanciers, prestataires de soins à domicile…) ;
- Les activités en relation avec les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé ou des dispositifs médicaux).
Afin d’aboutir à une évaluation des risques cohérentes, l’agence recommande entre autres, de recenser les incidents passés, de s’appuyer sur des questionnaires internes adressés aux parties prenantes exposées et de construire des scénarii théoriques de risques.
L’agence française anticorruption rappelle aux EPS que ces derniers doivent procéder à la hiérarchisation des risques, à la mise en œuvre d’un plan d’actions ainsi qu’à la mise à jour périodique des ces analyses en fonction des incidents et des audits internes.
S’agissant du pilier III, portant sur la prévention, la détection et la sanction des atteintes à la probité, le guide procède à un rappel des outils et des dispositifs indispensables à la mise en place d’un dispositif anticorruption. A ce titre, l’agence française anticorruption propose des exemples de bonnes pratiques initiés par certaines EPS.
L’agence française anticorruption apporte par ailleurs des précisions quant aux contours des politiques de cadeaux et d’invitations qui doivent être intégrées au code de conduite. Le guide rappelle par ailleurs que les EPS doivent se reporter au guide pratique sur la maîtrise du risque d’atteinte à la probité en matière de cadeaux et invitations applicables aux agents publics édité par lui aussi par l’agence française anticorruption en date de septembre 2022.
2. Implications pratiques
Ce nouveau guide de l’agence française anticorruption a vocation à fournir aux directeurs d’EPS des outils qui permettent de structurer et de formaliser la mise en œuvre d’un dispositif anticorruption efficace. Le guide fait, par ailleurs, état de solutions concrètes à destination des équipes opérationnelles leur permettant ainsi de gérer les risques auxquelles elles sont exposées au quotidien.
Il apparaît nécessaire pour les EPS de mobiliser des ressources humaines et financières afin d’aboutir à la mise en place d’un dispositif anticorruption mature devant être évolutif au gré des cycles d’évaluation et d’amélioration continue. Les établissements de taille modeste pourraient rencontrer des difficultés à mobiliser ces ressources. Dans cette situation, il est recommandé de s’appuyer sur le principe de priorisation des risques, largement développé au sein de ce nouveau guide.
Le document est une ressource précieuse pour améliorer la transparence et l’éthique au sein des EPS qui combine théorie et pratique dans la perspective de faciliter l’adoption de dispositifs robustes anticorruption.