Le cabinet sollicité par France TV pour le 20h de France 2 et France 24 sur les contours de la légalité d'une cagnotte en ligne

Le cabinet sollicité par France TV pour le 20h de France 2 et France 24 sur les contours de la légalité d'une cagnotte en ligne

Mardi, Juillet 4, 2023

1.     Qu’est-ce qu’une cagnotte en ligne ?

En premier lieu, Maître Hutteau-Hiltzer a indiqué qu’une cagnotte en ligne est un outil numérique permettant à des individus de récolter des fonds pour divers projets ou causes. Afin de déterminer la légalité d'une cagnotte en ligne, il convient d'examiner les finalités pour lesquelles celle-ci a été mise en place. 

2.     Quelle est la réglementation applicable à une cagnotte en ligne ?

Maître Anne-Sophie Hutteau-Hiltzer a rappelé que la règlementation applicable aux cagnottes en ligne en France est principalement encadrée par l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif et le décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014, établissant un cadre juridique pour le financement participatif.

Ces textes créent des statuts spécifiques pour les plateformes de crowdfunding, qui sont soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR en qualité de conseils en investissements participatifs (CIP) ou intermédiaires en financement participatif (IFP).

En outre, il convient de rappeler que les plateformes de cagnottes en ligne doivent être enregistrées auprès de l'Orias afin de garantir la confiance des utilisateurs dans leurs services.

Enfin et bien entendu les plateformes proposant de telles cagnottes doivent respecter des règles de bonne conduite, notamment en matière d'information sur la sélection des projets, sur les projets eux-mêmes, sur le risque de défaillance ou d'endettement excessif de l'emprunteur, sur la rémunération de la plateforme et les règles de protection des données personnelles des contributeurs.

3.     Quelle est la nature juridique d’une cagnotte en ligne ?

Une cagnotte en ligne est assimilable à un contrat entre son créateur et ses contributeurs. Ce contrat est en outre, régi par les conditions générales d'utilisation de la plateforme qui héberge la cagnotte et que les contributeurs doivent nécessairement accepter.

Les contributions à une cagnotte en ligne peuvent être considérées comme des dons, des prêts ou des investissements, selon le modèle de la plateforme.

4.     Quelles sont les conditions de validité d’une cagnotte en ligne ?

En premier lieu, la cagnotte en ligne doit respecter les conditions générales d’utilisation de la plateforme qui l’héberge. Ces conditions générales d’utilisation définissent les règles applicables à la cagnotte. Dans l’hypothèse où, l’organisation de ladite cagnotte contreviendrait à ses conditions générales d’utilisation, la plateforme dispose, en principe, de la possibilité d’en suspendre les effets, temporairement ou définitivement.

En second lieu, une cagnotte en ligne, étant assimilable à un contrat, celle-ci doit nécessairement respecter les trois conditions de validité prescrites par les dispositions du Code civil à l’article 1128. Ainsi le consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain quant à l’objet de la cagnotte doivent être réunis.

En troisième lieu, il convient de faire application des dispositions de l’article 1162 du Code civil qui prévoient qu’un « contrat ne peut pas déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but […] ». Dès lors, une cagnotte en ligne doit impérativement respecter l’ordre public, pouvant être défini comme l’ensemble des règles impératives visant à garantir le bon fonctionnement de la société, en protégeant des intérêts fondamentaux tels que la sécurité, la tranquillité, la salubrité, la moralité et la dignité humaine. Ces règles s'imposent à tous, y compris aux parties à un contrat, et ne peuvent être écartées par des conventions particulières.

En quatrième lieu, les dispositions de l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoient qu’il « est interdit d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ou des sommes dues au titre des transactions prévues par le Code de procédure pénale ou par l’article 28 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits sous peine de six mois d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende, ou de l’une de ces deux peines seulement. Le fait d’annoncer publiquement la prise en charge financière des amendes, frais, dommages-intérêts et autres sommes mentionnés au premier alinéa du présent article est sanctionné des mêmes peines » ont par ailleurs vocation à s’appliquer en matière de cagnotte en ligne. En conséquence, il émane de ces dispositions que les sommes récoltées au travers d’une cagnotte en ligne ne peuvent d’aucune manière avoir pour finalité de s’acquitter du montant des sanctions pécuniaires prononcées au titre d’une condamnation pénale.

5.     Existe-il des précédents portant sur la fermeture d’une cagnotte en ligne ?

La jurisprudence en la matière est extrêmement restreinte. Récemment, le tribunal judiciaire de Paris, dans une décision n° 19/03587 du 6 janvier 2021, statuait sur le caractère illicite d’une cagnotte en ligne ayant pour objet la collecte de fonds en soutien à un boxeur ayant commis des violences physiques envers un dispositif de force de l’ordre au cours d’une manifestation de gilets jaunes.

Le Tribunal judiciaire de Paris prononçait la nullité de ce contrat de cagnotte sur le fondement des dispositions de l’article 1162 du Code civil en soulignant que la défense de l'ordre public prime sur les intérêts particuliers. La juridiction saisie a estimé que la collecte de fonds heurtait suffisamment l’ordre public et la moralité pour être considéré comme un but illicite.

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