
SARL : Nullité encourue pour la tenue d'une AG préalablement ajournée par le gérant
La cour d’appel de Paris, dans une décision en date du 12 septembre 2024 (22/02179), vient préciser les contours susceptibles d’entraîner la nullité d’une AG tenue en dépit d’une décision d’ajournement prise par le gérant de la SARL.
Cette décision de la cour d’appel de Paris procure un rare exemple de nullité en raison de la violation d’une décision d’ajournement.
1. Contexte juridique et faits de l’affaire
A la suite d’un conflit entre les deux associés composant une SARL, l’associé majoritaire qui détient 95% du capital sollicite du gérant, l’associé minoritaire, de réunir une assemblée générale dans la perspective d’étudier la situation de la société et sa gestion.
Le gérant convoque l’assemblée par lettre recommandée. Préalablement à la tenue de l’assemblée, le gérant procède à son ajournement en raison de la crise sanitaire du COVID-19 et notifie celui-ci par voie de lettre recommandée.
Malgré cet ajournement, l’associé majoritaire décide de tenir l’assemblée, prétextant ne pas avoir reçu la lettre recommandée. Au cours de cette assemblée, l’associé majoritaire révoque le gérant.
En première instance, le tribunal de commerce de Paris, refuse de prononcer la nullité de l’assemblée générale et l’annulation de l’intégralité des résolutions prises au cours de celle-ci.
La Cour d’appel de Paris, infirmant la décision du Tribunal de commerce de Paris, prononce l’annulation de l’assemblée générale litigieuse et rappelle que l’ajournement d’une AG peut intervenir entre la date de convocation et la date prévue pour la réunion, dans la mesure où aucune disposition n’impose un délai pour procéder valablement à l’ajournement, ou des motifs justifiant l’ajournement.
2. Le droit d’ajournement d’une AG de SARL
Cette décision de la cour d’appel de Paris rappelle les contours du pouvoir d’ajournement d’une AG en faisant application des dispositions législatives et réglementaires prévues aux articles L.223-27 et R.223-20 du Code de commerce.
En premier lieu, il ressort de cette décision que le droit d’ajourner une assemblée convoquée à une certaine date appartient à celui qui en avait pris l’initiative.
En second lieu, la décision d’ajournement doit être portée à la connaissance des associés selon les mêmes formalités que la convocation initiale.
En troisième lieu, la décision d’ajournement ne requiert nullement un motif précis et n’est enfermée dans aucun délai précis. Cette décision d’ajournement doit simplement être notifiée préalablement à la date initiale de la convocation de l’AG.
3. Les obligations des associés dans l’hypothèse d’une décision d’ajournement de l’AG
En premier lieu, les associés, quand bien même représentant une fraction important du capital social, ne disposent pas du droit de passer outre la décision d’ajournement et de se réunir à la date initialement fixée, sauf à encourir la nullité. Toutefois, en application du dernier alinéa de l’article L.223-27 du Code de commerce, cette nullité n’est plus encourue si tous les associés étaient présents ou représentés à l’AG.
En second lieu, l’AG doit être présidée par le gérant et ce, en vertu de l’article R.223-23 du Code de commerce.
4. Les conséquences de la tenue d’une AG ajournée
La Cour d’appel précise que l’AG tenue en dépit d’une décision d’ajournement est irrégulière et nécessite de faire l’objet d’une mesure d’annulation.