
Sociétés par actions: Durée de conservation du registre des mouvements de titres
La question de la durée de conservation du registre des mouvements de titres des sociétés par actions est déterminante pour assurer tant la conformité de la société avec ses obligations légales, que la bonne gestion des informations relatives à ses actionnaires.
Au titre des dispositions de l’article L.228-1 du Code de commerce, les sociétés par actions, comprenant les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiée et les sociétés en commandite par actions, ont pour obligation de tenir un registre des mouvements de titres ayant pour effet de suivre et d’enregistrer l’intégralité des opérations affectants les actions ou les autres titres émis, tels que les obligations. Ce registre permet d’assurer le suivi des titres puisqu’il retranscrit de façon claire et actualisée la répartition du capital entre les actionnaires d’une part, il permet d’apporter la preuve légale quant à la détention des titres d’autre part et enfin, celui-ci a vocation à assurer le suivi et la validation des transferts de titres dans l’hypothèse de transactions de ces derniers.
Les dispositions règlementaires du Code de commerce apportent des précisions quant aux modalités de la tenue d’un tel registre. Le registre des mouvements de titres peut être tenu de manière chronologique sur support papier ou sur tout autre support durable, notamment au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé. Le registre des titres nominatifs doit contenir (i) l’identité des actionnaires incluant les noms, prénoms et coordonnées domiciliaires des titulaires de titres et éventuellement, les numéro d’identification des actionnaires ; (ii) les caractéristiques des titres à savoir le nombre d’actions ou de titres détenus, la nature des titres et éventuellement les numéros d’identification des titres ; (iii) les mouvements enregistrés incluant la date des transactions, la nature de la transaction, l’identité du vendeur et de l’acheteur dans le cas de transferts et éventuellement le prix de la transaction et (iv) un d’ordre affecté à chaque opération.
A la lecture des dispositions législatives et réglementaires du Code de commerce organisant la tenue des registres des mouvements de titres, il apparaît qu’aucun texte n’en fixe leur durée de conservation. Or, il apparaît que ce registre à vocation à contenir des informations relatives à d’anciens actionnaires de la société. Dans ces conditions, les données à caractère personnel portant sur des actionnaires sortis de la société depuis une durée relativement importante seraient conservées au-delà des délais de prescription applicables pour ester en justice.
Néanmoins, force est de constater que l’article 5 du RGPD (Règlement UE n°2016-679 en date du 17 avril 2016) édicte le principe d’une durée de conservation limitée des données personnelles, ne devant pas excéder celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.
Le comité juridique de l’association nationale des sociétés par actions (ANSA) qui exerce une mission d’intérêt général auprès et pour le compte de ses adhérents, sociétés cotées et non cotées, a un rendu un avis en octobre 2024 dans lequel il prescrit aux sociétés par actions de conserver durant l’intégralité de leur vie sociale, le registre dans lequel elles inscrivent les mouvements des titres nominatifs.
L’ANSA estime que le registre des mouvements de titres est un acte juridique indivisible, et dès lors, insusceptible d’être réparti en plusieurs périodes selon que la prescription attachée aux opérations concernées est acquise ou non. L’ANSA souligne en outre que les sociétés par actions peuvent être amenées à conduire des recherches sur de longues périodes, prenant à titre d’exemple les titres en déshérence. L’ANSA fonde cette prise de position en estimant qu’une telle durée de conservation est justifiée en premier lieu, par la poursuite de l’objet social qui requiert la gestion des risques des contentieux et la gestion des titres en déshérence et des successions et qu’elle contribue en second lieu, au bon fonctionnement de la société et au respect des droits des actionnaires.
L’ANSA estime que cette préconisation ne heurte pas le RGPD et plus spécifiquement le principe d’une durée limitée de conservation dans la mesure où si aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe une durée de conservation, il convient de se reporter aux préconisations apportées par la CNIL sur ce point. Sur cette question, la CNIL, dans son guide pratique intitulé « Les durées de conservation » en date de juillet 2020 précise qu’il appartient au responsable du traitement de données à caractère personnel, en application du principe général de responsabilité, de définir cette durée. Pour cela, le responsable de traitement doit se fonder sur la finalité pour laquelle le traitement des données personnelles.
L’ANSA opère néanmoins une distinction entre la partie active et la partie inactive du registre, cette dernière concernant les anciens actionnaires. Selon l’ANSA la partie inactive du registre nécessite d’être conservée selon la méthode de l’archivage intermédiaire, utilisée notamment pour répondre à un intérêt administratif de la société. Ce mode d’archivage permet la consultation des dites données à caractère personnel, de manière ponctuelle et motivée uniquement par les personnes dûment et spécifiquement habilitées par l’organisme concerné. Il convient de rappeler que la CNIL met à un disposition un certain nombre de ressources relatives aux durées de conservation des données depuis le 28 juillet 2020 (Guide pratique sur les durées de conservation, Référentiels sectoriels des durées de conservation)
En tout état de cause, l’ANSA recommande par ailleurs de conserver ce registre pour une durée de cinq (5) ans suivant la dissolution de la société, durée qui correspond au délai de prescription de droit commun prévu par les dispositions de l’article 2224 du Code civil s’agissant des actions en justice de nature mobilière.